changement climatiqueTribune – 20 janvier 2020 4700 signes espaces compris

Enquête : changement climatique & forêt

Comment réagissent les forestiers privés ?

Les propriétaires forestiers sont en première ligne pour observer le changement climatique. Ils sont inquiets et veulent agir mais le manque de moyens et de connaissances freine l’évolution des pratiques sylvicoles sur le terrain. Ces constats, explicités dans l’enquête RESOFOP1 2019, m’amènent aujourd’hui à prendre la parole au nom des forestiers privés pour interpeller sur l’urgence d’allouer les moyens nécessaires à la forêt. Ceci afin de lui permettre de s’adapter au changement climatique en cours et de jouer son rôle tant attendu de puits de carbone, réservoir de biodiversité et fournisseur de bois.

La prise de conscience est réelle et l’inquiétude palpable

81 % des propriétaires interrogés ont déjà observé concrètement les effets du changement climatique sur le terrain. Cela se manifeste principalement par des dépérissements liés à la sécheresse, au vent et à l’incendie, ou encore des attaques parasitaires… Face à ces constats, déjà 10 % des propriétaires agissent et changent leurs pratiques sylvicoles. Mais alors, comment expliquer la prudence de 90 % restants ? Principalement par un manque de moyens et de connaissances. Sur l’ensemble de ces propriétaires une majorité pense que les informations sont peu nombreuses et/ ou contradictoires. En outre, ils sont peu nombreux à tirer des revenus de l’exploitation de leurs forêts. Ce qui pose une question : sans financement, comment le propriétaire peut-il engager des actions permettant de prendre en compte le changement climatique dans ses pratiques sylvicoles ?

Pour sortir de l’attentisme, trois pistes à creuser : R&D, conseil et financement.

Afin d’aider les propriétaires à agir, Fransylva travaille en étroite collaboration avec la filière pour assurer l’augmentation des budgets publics consacrés au renouvellement de la forêt et à la recherche. Un manque d’analyse et de diagnostics issus de la recherche risque de faire cruellement défaut si le rythme du changement climatique se maintient à cette vitesse. L’Etat doit donc assumer sa responsabilité et financer la recherche et le développement au service de nos forêts.

Le conseil que Fransylva apporte à ses adhérents se matérialise par de l’information et de la formation au service d’un meilleur contact entre les professionnels forestiers et les propriétaires. Ces liens tissés aboutissent généralement à la mise en place de documents de gestion. Selon nous, c’est le fer de lance de la gestion durable et la meilleure garantie que la forêt soit préparée au changement climatique en cours. Ce sont ces documents qui assurent une traçabilité des opérations sylvicoles – devenue désormais indispensable -, le suivi par des professionnels et la garantie qu’en cas d’attaques ou dégradations, une réponse peut être apportée par des Hommes de l’art…

En parallèle, Fransylva œuvre, avec les partenaires de la filière, à faciliter l’accès aux financements publics et privés. De plus en plus d’entreprises cherchent à se positionner sur le secteur de la forêt dans une logique d’amélioration de leur empreinte environnementale. Dans ce contexte la fédération a renforcé sa branche « Fransylva Services » afin d’apporter du conseil et un accompagnement opérationnel dans le montage de dossiers permettant aux propriétaires de recevoir des aides financières dédiées au renouvellement des peuplements, d’une part. D’autre part, ce service permet aux entreprises qui souhaitent s’engager de trouver des projets de reboisement répondant à un cahier des charges forestier garant d’une gestion durable.

Et toujours un impératif : agir !

Le changement climatique est déjà largement appréhendé en forêt. Et les propriétaires sont les premiers concernés. A ce titre ils ont bien conscience du bouleversement en cours. Gardons à l’esprit que la base de la gestion forestière durable est garantie par des documents de gestion et doit s’accompagner de la recrudescence des financements publics comme privés. C’est le gage de la pérennisation de notre forêt pour les générations suivantes. Et finalement, l’impératif c’est d’agir… Et non pas mettre la forêt sous cloche ce qui entrainerait dépérissement, risque d’incendie et d’accident et à terme chute des capacités de captation de carbone. Le pire serait de ne rien faire !

Antoine d’Amécourt

Président de Fransylva

1 Réseau d’observation de la forêt privée mis en place en 2009 dans le cadre de l’Observatoire économique de France Bois Forêt. Chaque année, un panel représentatif de 960 propriétaires forestiers de plus de 4 ha sur la France métropolitaine est interrogé sur la base d’un questionnaire élaboré par Fransylva et le Centre national de la propriété forestière (CNPF)